* * * * * * *
Les petits gestes disent tout, se murmurait-elle
intérieurement. A force de se manifester, les gens allaient finir par le
remarquer. Ils verraient à quel point elle était bleue, que sa beauté se détruisait
chaque jour et que son enfance s’envolait en fumée au gré des nuits qu’il
passait avec elle.
A force qu’elle se mette à pleurer sans raison en classe,
qu’elle demande à aller au toilette, qu’elle y laisse sa marque, couverte de ce
qu’elle a mangé la veille. Elle ne pouvait pas parler, ne pouvait rien dire à
ce sujet, mais se disait qu’à force, quelqu’un s’en rendrait compte. Qu’il
comprendrait la détresse dans lequel elle était. Les grandes personnes
passaient devant elle sans la remarquer, ou bien lui souriait en lui disant
qu’elle était une gentille fille. Ces mots là lui donnait envie de retourner
vers la cuvette des WC et de vider son estomac, ces mots là étaient ceux qu’il
prononçait chaque fois qu’elle ne bougeait pas et qu’elle se laissait faire.
Maintenant, quand un adulte parlait, elle n’avait qu’une seule envie : Se
boucher les oreilles, fermer les yeux, et peut-être aussi hurler, pour oublier,
pour ne pas y penser, pour ne plus avoir peur. Les adultes n’étaient que des
traitres, des aveugles qui ne voyaient rien à rien. A moins qu’ils étaient de
mèche avec lui. Même sa mère fermait les yeux et détournait le regard sur cette
histoire.
Suis-je si peu importante à leurs yeux, se disait-elle du
plus profond de leur cœur. Peut-être que si je disparaissais ils seraient
heureux, même ils en riraient sûrement, ou dirait que je suis stupide de
m’envoler si facilement. Ils disent déjà que je suis faible à pleurnicher pour
rien. Je ne pleure pas pou rien, pensait-elle le plus fort possible. Je ne pleure
pas parce que je suis un enfant, je pleure parce que je suis petite, que je ne
comprends pas ce qui m’arrive, que c’est douloureux et que j’ai envie que ça
s’arrête. Si j’arrêtais ma vie, alors il arrêterait de me toucher à des
endroits que moi-même je ne connais pas. Des endroits que maman, quand je lui
ai dit, m’a répondu que je n’étais pas assez grande pour savoir ce que c’est,
et qu’elle a dit que j’étais dégoutante.
Suis-je dégoutante ? Se demanda la petite dans son
coin, ne voulant plus bouger ni vivre. Papa me touche à des endroits pas biens,
et moi je me tais, parce qu’il est gentil mon papa, il m’offre des cadeaux
après.
Mais j’ai mal, et personne ne le voit, tout le monde croit
que je pleure parce que je suis un bébé pour eux, et même maman ne veux plus me
soutenir.
Alors je vais me laisser mourir, ça arrangera tout le monde,
même moi…..
Et la petite ferma les yeux, parce que les petits gestes
disent tout, faut-il encore les voir.
Fin
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