* * *
Il n’osait pas.
S’il le faisait tout le monde le regarderait, puis ensuite
quand on le verrait dans la rue on le pointerait du doigt comme un malpropre en
chuchotant des choses sur lui qu’il n’entendrait pas mais qu’il connaitrait
tout de même.
Il ne voulait surtout pas. S’il s’avançait, sa réputation
serait anéantie. Sa mère lui avait dit de ne pas bouger, que les gens de son
rang se contentaient de regarder ce que les gueux faisaient et de ne faire que
se moquer et faire semblant d’être amuser. Applaudir, une fois, deux fois, se
mettre dans le rythme puis avoir hâte de rentrer, tel était son devoir.
Et pourtant. Pourtant dans son cœur résonnait la musique et
son harmonie, pour de vrai, ces claquements de mains n’étaient absolument pas
superficiels, il avait envie de bouger, de se mettre sur scène et de danser
avec les autres, et ce quoiqu’on dise, quoiqu’on lui reproche. Plus la musique
montait dans sa tête, plus son cœur battait en chœur, plus il avait du mal à
retenir ses jambes de ne pas bouger.
Il sentait le regard perçant des autres, prêt à se jeter sur
lui dès le premier faux pas qu’il ferait. Prêt à l’anéantir s’il osait
s’agrouper avec ses pauvres gens qui ne faisaient ça que pour la monnaie et non
pas pour le plaisir, selon eux.
Le plaisir. Depuis combien de temps ne l’avait-il pas senti
vibrer entre ses doigts ? Il avait beau commander des filles de joies, il
ne sentait rien lorsqu’il les déshabillait et qu’il allait découvrir leur corps
au fur et à mesure. Les repas que lui préparait le cuisinier ne lui faisait
même pas chaud au cœur.
Mais en cet instant, il n’avait qu’une envie. Les rejoindre.
Sourire, et rire à nouveau. Chanter aussi, peut-être faux parce qu’il n’avait
jamais été doué pour ça. Mais les conséquences futures l’écrasaient de tout son
poids. Il serait rejeté, traiter comme étant celui qui aura fait ami ami avec
des gens qui n’étaient pas de son rang. Ca lui était interdit. Formellement. Il
entendait sa mère lui répéter de ne pas bouger, de se tenir droit et de feindre
l’amusement, mais il ne pouvait pas feindre en cet instant, vu que cette joie
l’envahissait au fur et à mesure que les cordes du violon s’entrechoquaient
avec l’arc.
Cela lui rappelait les bals d’autrefois, qui étaient empli
de joies plus que d’hypocrisie. Le temps où les gens se parlaient avec
courtoisie et non pas par obligation. C’est ce qu’il voulait. Avoir des amis
qui ne mentaient pas, des amis sincères, intéressants, qu’il ne connaitrait pas
par des ragots ou des préjugés que l’on aurait énoncé sur eux.
Et cette scène qui dansait devant lui ne faisait que lui
tendre ses bras pour lui dire « rejoins nous, nous sommes tout ce dont tu
as besoin en ce moment ». S’il craquait, tout serait perdu, mais plus il y
pensait plus le poids de ses actes disparaissait. De plus, s’il ne le faisait
pas, ne se sentirait-il pas vide pendant toute sa vie ? C’était sa
dernière chance. De pouvoir enfin sentir son corps se remplir de chaleur, qu’on
appelle bonheur. C’était un tout petit geste, qui briserait tout ce qu’il avait
bâti certes, mais il préférait vivre dans la bonne humeur et la vérité que dans
les mensonges et la bassesse.
- Regardez, Son Altesse le Dauphin viens de quitter sa
loge !
Tout le monde avait les yeux rivés sur lui, mais Louis s’en
moquait, il n’avait plus peur des regards, la brillance de la musique
l’attirait trop. Acceptant la main d’un de ses gitans de passage, il
se mêla à la danse et pria pour que sa dernière nuit comme personne
raisonnable aux yeux de tous soit la meilleure de tous…Mais de ça, il n’en doutait
pas.
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